Biographie de Jean Gourguet (1902 - 1994), metteur en scène :


Le certificat de naissance de Jean Gourguet Jean Gourguet sur un plateau de tournage


Jean Gourguet, modeste artisan du 1er siècle du cinéma français



Il y a 100 ans naissait à SETE Jean Gourguet, presque en même temps que le cinéma dont il fut l’un des plus fervents serviteurs.
A 7 ans, il découvre le cinéma et sa vocation. Adolescent, il se fait renvoyer du Lycée Henri IV car il consacre plus d’énergie à écrire des scénarios, fréquenter les salles de cinéma et faire même de la figuration qu’à étudier, au grand désespoir de sa mère restée seule à Paris pendant que son mari était parti à la guerre.
Pour gagner sa vie, Jean Gourguet réussit à se faire engager comme reporter à la pige à PARIS-MIDI, puis comme journaliste au journal LE JOURNAL. Cette période lui permettra d’emmagasiner beaucoup d’anecdotes et faits divers qui lui serviront plus tard dans l’écriture de ses scénarios. C’est aussi un choc pour lui, issu d’un milieu privilégié, de découvrir les milieux populaires, la misère. Il épouse la cause des « petites gens » allant jusqu’à dire déclarer « quand on est riche, on n’est pas intéressant parce qu’on a rien à dire ».
Puis, sous le pseudonyme de Rem de Brandi, il monte une petite troupe de théâtre, loue le théâtre Saint-Georges et crée le Théâtre d’obscurité. Il présente des pièces dont il est l’auteur (et acteur également) qui créent l’événement : certains le portent aux nues et l’appellent « Maître », d’autres le traitent de farceur …

Jean Gourguet (dans la charette) et son frere aine Andre Jean Gourguet a 5 ans Jean Gourguet dans les annees 20 Jean Gourguet dans les annes 20

Tous ces chemins détournés n’ont qu’un but : réaliser son premier film. Il réussit enfin à s’acheter une petite caméra « EYEMO » qui fut sa fidèle compagne pendant des années et qu’il conservera toute sa vie. Il arrive à trouver le financement d’UN RAYON de SOLEIL (rebaptisé par un distributeur UN RAYON de SOLEIL SUR PARIS) en 1928. Il dut faire preuve de beaucoup d’astuces pour tenir son budget.
Ce premier documentaire tourné en décors naturels (ce qui est très avant-gardiste pour l’époque) ayant été jugé prometteur, il réussit à tourner à Sète L’ESCALE en 1929. Ce film muet est sonorisé avec un tout nouveau procédé anglais qui se révèle, malheureusement pour lui, ne pas être au point et le met en difficulté financière.
Il rebondit en 1932 et enchaîne sans discontinuer - et malgré la guerre - courts métrages (dont plusieurs primés à l’Exposition universelle de 1937) et grands films.
En 1934, il découvre un jeune chanteur, Tino Rossi qu’il fait jouer dans L’AFFAIRE COQUELET, film malheureusement disparu.
Il réalise en 1941 LE MOUSSAILLON, puis en 1943 MALARIA avec Mireille Balin, Sessue Hayakawa, Jacques Dumesnil, drame colonial pour lequel on reconstitue en studio la forêt vierge. En 1945, c’est SON DERNIER ROLE avec Gaby Morlay, Dalio, Jean Tissier.
Puis, il change complètement de style et décide de s’affranchir des studios en tournant en décors naturels pour plus de réalisme et en imposant un jeu moins théâtral à ses acteurs dont certains ne sont pas des professionnels.


On peut distinguer alors dans ses longs métrages trois périodes :


I - L’époque Mélo juste après guerre (de 1946 à 1951) où il est un précurseur du cinéma néo-réaliste italien. Il tourne avec très peu de moyens avec ses fidèles interprètes, sa fille sous le pseudonyme de la Petite Zizi (puis Zizi Saint-Clair) et son chien Gundo (le Rintintin français). Certains le raillèrent en parlant du « cirque Gourguet », sa femme étant également son assistante. Cela ne le vexait pas, car , disait-il, « les gens du cirque sont des artistes véritables qui travaillent avec courage, souvent méconnus, mais c’est leur vie, ils ont cela dans le sang ».
Ces films rencontrent un franc succès populaire.

Jean Gourguet entourré de sa fille Zizi et son chien Gundo Jean Gourguet


II - L’époque « coquine » (c’est ainsi que l’a qualifiée Frédéric Mitterand lors de l’interview télévisée dans Toiles étoiles) à partir de 1953 où il dépeint la jeunesse des années 50, n’hésitant pas à dénuder un sein (tel celui de Dany Carrel dans MATERNITE CLANDESTINE) . Il s’entoure de nombreux jeunes talents (tels Dany CARREL, Michel Roux, Jean-Pierre Mocky, Françoise Vatel, Maurice Sarfati, Roger Dumas, Annick Bouquet, etc. tout en continuant à faire tourner les anciens acteurs du cinéma (ou du théâtre) français tels Rellys, Jacques Dumesnil, Louis Seigner, Pierre Larquey, Maryse Martin, Robert Vattier, Andrex, etc.
Il est l'ancêtre du cinéma érotique. On sourit aujourd'hui quand on voit certains films actuels . Question de libération des moeurs.
A l’époque, les négociations sont serrées avec la censure pour éviter des interdictions diverses, catastrophiques au plan financier. Il doit faire des concessions et procéder à des coupures.
Malgré tout, le film LES PROMESSES DANGEREUSES se voit initialement interdit à l’exportation car présentant la jeunesse française sous un mauvais jour.
Il rencontre également des problèmes avec la Centrale catholique avec laquelle il doit composer pour ne pas voir attribuer une trop mauvaise cote à ses films dans la fameuse liste des films à destination des paroissiens, affichée à l’entrée des églises.
Toujours dans le même registre, sait-on que Madame de Gaulle, voyant dans la rue une affiche du film "LES FRANGINES" sur laquelle Françoise Vatel dévoilait partiellement un sein, orchestra toute une cabale qui aboutit à l'arrestation du Distributeur du film, Monsieur Brulé (HERAUT FILMS) dont l'adresse figurait, malheureusement pour lui, sur l'affiche. Celui-ci passa une nuit au poste de police et ne décoléra pas pendant plusieurs jours. L'exploitation du film fut même momentanément interrompue. Heureusement, les choses rentrèrent rapidement dans l'ordre.
Ses films sont plus légers et rythmés ; ils sont annonciateurs de la Nouvelle vague. Ils marchent bien ; son public le suit.


III - Nouvelle période avec un film, pour une part autobiographique, sur l’Exode pendant la dernière guerre, période qu’il a vécue. Il y met beaucoup de lui-même, ne sachant d’ailleurs pas que ce serait son dernier film. Le succès n’est pas au rendez-vous bien que le film soit apprécié par les spectateurs qui l’ont vu.


La nouvelle vague est là, il se sent mis sur la touche. De plus sa plus fidèle collaboratrice et épouse, Michelle GOURGUET (connue à l’Ecole Normale de DIJON pendant le tournage de Jeannette BOURGOGNE), co-scénariste et assistante, est atteinte d’une grave maladie.
Il écrit le scénario de ce qu’il pense être son futur film ainsi que des livres et un recueil de poésies (inédits) pour le plaisir de l’écriture.
Il refuse plusieurs propositions du cinéma américain, sachant qu’il y perdrait son indépendance, à laquelle il était tant attaché, et craignant de se faire « broyer » par l’industrie américaine dont il admire néanmoins certaines productions. De plus, il ne parle pas la langue ce qui lui paraît être un obstacle majeur pour diriger les acteurs et techniciens.

Il se retire alors définitivement pour exploiter sa salle de cinéma parisienne « L ‘ESCURIAL » qui deviendra son dernier lien avec le cinéma qu’il a tant aimé.
Il voit et revoit les films des autres – et parfois les siens !- et surtout continue à servir ce public qu’il n’a cessé d’aimer et respecter.
Il donne leur chance à des jeunes cinéphiles, fous du cinéma comme il le fut, en accueillant le ciné-club CINEQUANON dans les années 60 qui inventa la formule de la « dernière séance » dont Eddy Mitchell s’est très certainement inspiré par la suite.

Ce ciné-club fait un malheur : combien de cinéphiles, cinéastes, acteurs, gens de cinéma ne sont-ils pas venus…
Jean Gourguet trouve une seconde jeunesse auprès de ces jeunes qui partagent son enthousiasme et sa passion du 7ème art et qui sont fascinés par toute sa connaissance du premier demi siècle du cinéma.
Il fait également confiance ensuite à une toute nouvelle équipe de passionnés du cinéma qu’il aide à réaliser leur rêve en acceptant de leur confier l’exploitation de sa salle. Il permit ainsi à Jean-Jacques Zilbermann de devenir par la suite metteur en scène de cinéma et de théâtre.

Jean Gourguet s’éteint en 1994, au dessus de « L’ESCURIAL », dans ce petit appartement de fonction qu’il s’est toujours refusé à quitter, tout proche de « son cher public ».

Portrait studio de Jean Gourguet Portrait studio de Jean Gourguet


Comment résumer Jean Gourguet ?


CINEMA = Passion de toute une vie.

Il se définit lui-même comme un modeste artisan du cinéma, anticonformiste, poète et écrivain à l’humour parfois décapant (ses origines sétoises…), préoccupé par les thèmes sociaux.
Il est producteur (ou co-producteur) , scénariste (ou co-scénariste), metteur en scène.
Il est passionné par la technique (le son, l’image) et profite, entre deux tournages, pour sans cesse approfondir ses connaissances.
Il réinvestit courageusement toutes les rentrées d’un film dans le suivant.
Ce n’est pas toujours facile mais il garde son indépendance à laquelle il est très attaché.
Il a une grande capacité d’écoute, toujours prêt à aider les gens dans la difficulté, ayant connu lui-même des périodes fort difficiles. Il est révolté par l’injustice de quelque type qu’elle soit. Il est fidèle en amitié et exige la réciprocité. C’est un grand angoissé, à la santé fragile (il a été réformé pour ce motif). Sous un aspect presque austère, très mince et élégant, il cache une grande sensibilité (il peint, fait des croquis et est mélomane). Il est pourtant capable de la plus grande fantaisie et a une imagination débordante.
Il se veut être un homme d’honneur, sans concession, pouvant toujours regarder ce qu’il fait la tête haute, toujours très modeste, fuyant les mondanités et les honneurs, la publicité ce qui nuit bien évidemment à sa carrière.
Il a su garder toute sa vie sa capacité d’émerveillement et son tempérament de méditerranéen passionné.

Aujourd'hui le but de ses deux enfants, et de tous ceux qui lui sont restés fidèles, est de l'inscrire dans l'histoire du cinéma car celle-ci se doit d'être exacte et exhaustive.
Cela n'est malheureusement que rarement le cas car il est souvent "gommé" comme s'il n'avait jamais existé, malgré ses quarante films.

Son oeuvre est livrée à la postérité, quel que soit le jugement que l'on peut porter sur elle.

Au travers de son oeuvre, qu'il vive et que vive le cinéma français !

* La Cinémathèque française lui a rendu par deux fois hommage :
- Avec une soirée exceptionnelle le 13 Octobre 1994 : Projection de "Maternité Clandestine", avec une première partie musicale de 1937 (Chansons de France).
- Du 4 janvier au 2 mars 2003, en collaboration avec les Archives du film et du Dépôt Légal du C.N.C. pour la restauration, à l'occasion de la commémoration du centenaire de sa naissance avec la projection de 16 longs métrages et 14 moyens et courts métrages.


Jean dans son appartement


Un travail considérable de recherche et de sauvegarde de l'oeuvre cinématographique a été accompli par le Centre National de la Cinématographie (C.N.C., Archives du Film) en étroite collaboration avec les enfants de Jean Gourguet (Mme Geneviève Costovici-Gourguet et Jean-Michel Gourguet).
Tous nos remerciements à Michelle Aubert, Eric Le Roy, Jean Baptiste Granero, Jean-Louis Cot ainsi qu'à tous les membres de leurs équipes pour l'aide qu'ils nous ont apportée.

De même pour les archives (photos et papiers), la BiFi (Bibliothèque du Film) a ouvert un fonds consultable. Merci à Marc Vernet ainsi qu'à toute son équipe pour sa collaboration.

* Jean Gourguet a produit sous les enseignes suivantes : "Jean Gourguet Films", "Productions Cinégraphiques Jean Gourguet" ayant comme enseigne "Services Français de Production" (1929), "Selb-Films-Production" enseigne "S.F.P.", puis "Les films S.F.P. (Services Français de Production)", et enfin "Les films S.F.P.-Escurial".



Sa fille (et interprète sous le nom de Petite Zizi, puis Zizi Saint-Clair).
Geneviève COSTOVICI-GOURGUET

Documents divers :


Interview de Jean Gourguet par Henri Marc pour le journal France Film International

Le train, une passion de Jean Gourguet, qui passa même son permis
Permis de conduire locomotives de Jean Gourguet en 1920

Roman écrit par Sidonie comportant une partie auto-biographique sur l'exode en compagnie de Jean Gourguet
Sidonie raconte dans ce passage de son livre autobiographique, comment Jean Gourguet la prit en charge dans sa voiture elle et sa famille sur la route de l exode en juin 1940 Sidonie raconte dans ce passage de son livre autobiographique, comment elle et ses parents de retour à Paris se sont lies d amitie avec Jean Gourguet; Sidonie a ete invitee sur le plateau du tournage de Malaria

Certificats d epuration

Admission a l Institut des Hautes Etudes Cinematographiques Admission a l Institut des Hautes Etudes Cinematographiques Admission à la S.A.C.D. en tant que Societaire adjoint



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