Michelle GOURGUET, (1919 – 2005) :*
Scénariste, Assistante
Bourguignonne, Michelle, Raymonde, Alice DARVAUX est née le 16 février 1919 à JOURS-EN-VAUX (Côte d’Or) au retour de la guerre de 1914 de son père gravement blessé sur le front (laissé pour mort sur le champ de bataille, sauvé paradoxalement par l’ennemi allemand et transféré successivement dans 4 de leurs hôpitaux). Elle nourrit toute sa vie un amour immense pour ce père doté d’une joie de vivre, d’une générosité et d’un amour des autres exceptionnels.
Selon elle, sa mère ne l’aurait jamais aimée car elle est née « différente » des autres enfants : la petite Michelle est blonde platine, malheureusement pour elle avant la mode des stars de Hollywood et la naissance du mythe de la blonde fatale ! De mémoire d’anciens, on n’avait jamais vu cela dans ces petits hameaux du Morvan, à la limite de la côte des vins. Seule explication, un arrière-grand-père anglais blond aux yeux bleux venu pour creuser le Canal de Bourgogne et qui n’est plus jamais reparti…
Elle souffre de cette différence et décide de ne plus jamais pleurer et d’être meilleure que tous ses camarades dont parfois la bêtise lui fait mal (sans parler de celle des adultes).
A l’époque, il est hors de question pour les enfants de ces villages pauvres de poursuivre des études. L’été, on aide aux champs et on ne fréquent guère l’école que, de toutes façons, on quitte au Certificat d’études à 14 ans. Mais la petite Michelle est trop douée et ses instituteurs l’aident à franchir tous les obstacles, y inclus le refus de ses parents qui n’avaient pas l’argent de payer des études : elle sera pupille de la Nation. Elle est reçue brillamment à tous ses examens puis au Concours de l’école Normale de filles de Dijon.
Douée également pour le dessin, elle s’inscrit aux Beaux-Arts de Dijon.
Sa voie était toute tracée, elle serait enseignante et dirigerait une école de la République qui l’avait sortie du rang.
C’était sans compter avec la destinée car une équipe de cinéastes vient s’installer dans les locaux de l’Ecole Normale pour réaliser un film en commandite avec l’Education Nationale, « Jeannette Bourgogne » avec Blanchette BRUNOY en 1938. Le metteur en scène est le jeune et séduisant Jean GOURGUET, alors âgé de 36 ans, au charme méditerranéen.
Elle est choisie pour figurer et dire quelques mots. Elle jure qu’on ne l’y reprendra plus (c’est exact car malgré son physique, elle toujours reste derrière la caméra. Elle n’aime pas être photographiée ni être mise en valeur bien que jolie).
Elle et ses camarades décrètent que « ces gens du cinéma venus de Paris sont prétentieux et n’ont même pas la délicatesse de leur donner des places gratuites à la première du film faite en grande pompe à DIJON, alors qu’elles avaient donné de leurs économies et figuré pour certaines… ».
Toujours est-il que c’est le coup de foudre entre mon père, alors séparé de sa première femme, et la jeune normalienne plus jeune de 17 années.
Elle termine ses études et il revient alors l’enlever… C’est le début d’une longue histoire d’amour (il l’épousera en 1947, lorsqu’il obtiendra enfin son jugement de divorce).
Elle devient journaliste dans le magasine féminin d'avant guerre "POUR ELLE" dans les années 1940 sous le pseudonyme de Michelle CLAIRJEAN. Elle publie notamment un charmant conte de noël sur la vie dans un petit village en Bourgogne au temps de sa grand-mère dont elle réalise elle-même l’iconographie.
La guerre est là, l’exode…Grâce à l’aide d’une famille secourue sur les routes de l’exode et reconnaissante, le couple trouve un modeste petit appartement Rue de la Croix-Nivert (Paris 15ème. C’est là que je nais, entre deux bombardements, avec l’aide du médecin habitant l’immeuble. Après ma naissance, mon père est désormais sans travail. Le cinéma des armées auquel il devait entrer lui dit de partir car l’ennemi allemand est proche ; le couple ne peut plus survivre.
C’est donc le retour providentiel en Bourgogne, dans la ferme de sa tante qui nous héberge et nous nourrit - avec abondance en cette période de guerre où tout manquait - jusqu'à la libération (mon père, quadragénaire, était réformé).
Toute sa vie, elle choisit de rester volontairement dans l’ombre de mon père, étant sa co-scénariste puis progressivement son assistante. Les films se succèdent au rythme de un, voire deux, par an. Le « couple professionnel » devient indissociable.
Puis la maladie arrive : un premier cancer au sein très avancé pour lequel le chirurgien lui laisse très peu d’espoir. Elle se bat avec rage, d’autant que ses deux enfants sont encore jeunes, et contre toute attente, survit. Sept années plus tard un second cancer, pris cette fois-ci à temps.
Mon père, très atteint, ne veut plus poursuivre son activité sans sa collaboratrice. Cela le conforte dans sa décision d’arrêter le cinéma.
Néanmoins, elle continue à l’assister dans la gestion du Cinéma « L’ESCURIAL », Boulevard de Port-Royal (Paris 13ème) acquis quelques années plus tôt.
Nouvelle alerte : tumeur au cervelet. Elle souffre beaucoup (avant, pendant et après).
Son passage aux Beaux-Arts lui permet de reprendre la peinture et elle peint des centaines de scènes naïves de sa Bourgogne au siècle passé, voulant à son tour apporter le témoignage de ce que lui avait conté sa grand-mère lors des veillées d’hiver.
Elle peint également des fleurs,une autre de ses passions. Elle continue également à écrire (mémoires). Elle est mélomane, lit beaucoup, se passionne pour l’histoire, les arts, son jardin si savamment et patiemment fleuri de Bourgogne.
Le temps s’écoule entre ce Paris Rive Gauche et sa fermette bourguignonne qu’elle affectionne, dans laquelle Jean GOURGUET a construit une petite salle de cinéma privée. Elle adore ses enfants et petits-enfants.
Elle perd son mari en 1994, s’épuisant à le soigner à domicile, fidèle au serment qu’elle lui avait fait de ne pas le faire hospitaliser. Puis peu à peu, elle glisse dans un autre univers. Le mal n’est malheureusement pas clairement identifié et c’est l’hémorragie cérébrale. Elle est désormais paralysée et totalement dépendante. Elle perd pratiquement la parole.
Notre communication devient quasi-inexistante. Parfois un éclair de lucidité. Elle me reconnaît cependant pratiquement jusqu’à la fin : un beau sourire, « merci » on ne sait pourquoi.
Elle a été pour nous, ses enfants et petits enfants, un bel exemple de force de caractère, de lucidité, de générosité et de grandeur d’âme. Sa foi en la vie et en les siens était inébranlable. Nous lui en voulions parfois d’être trop douée en toutes choses et de posséder un savoir aussi vaste car la barre était très haute et elle n’était pas toujours indulgente envers nos lacunes ou nos faiblesses …
Nous étions également meurtris au plus profond de nous-mêmes par l’injustice de la « maladie » qui, dès qu’elle l’avait vaincue, s’abattait à nouveau sur elle sous d’autres formes, telle une malédiction.
Elle a vécu avec notre père une belle et longue histoire d’amour dont elle était très fière (et lui aussi jusqu’à sa mort). C’était un couple très fusionnel que nous, leurs enfants, avions parfois du mal à décrypter. Comme toutes les histoires d’amour, il y eut des hauts et des bas qu’elle sut surmonter avec sa détermination habituelle.
Elle repose aujourd’hui auprès de son époux, et avec ses ancêtres, au petit cimetière de JOURS-EN-VAUX dans sa chère Bourgogne.
Le 19/07/2005, sa fille Geneviève COSTOVICI-GOURGUET
FILMOGRAPHIE
Coscénariste avec Jean GOURGUET des films suivants :
1946 – LE PAVILLON DE LA FOLLE.
1947 – LA NEIGE DU COUCOU.
1948 – LES ORPHELINS DE SAINT-VAAST.
1949 – ZONE FRONTIERE.
1950 – TRAFIC SUR LES DUNES.
1951 – UN RAYON DE SOLEIL (remake du 1er film de Jean GOURGUET datant de 1928).
1952 – LE SECRET D’UNE MERE.
1953 – LA FILLE PERDUE.
1953 – MATERNITE CLANDESTINE.
1954 – LA CAGE AUX SOURIS.
1955 – LES PREMIERS OUTRAGES.
1956 – LES PROMESSES DANGEREUSES.
1957 – ISABELLE A PEUR DES HOMMES.
1958 – LA P…SENTIMENTALE.
1959 – LES FRANGINES.
1960 – LA TRAVERSEE DE LA LOIRE.
Assistante, puis 1ère Assistante des films produits ou co-produits par Jean GOURGUET depuis 1946.
*C’est encore très émue que je mets en ligne la biographie de ma mère, projet maints fois repoussé car elle était à la fois vivante et morte pour moi depuis 7 longues années. De bien tristes et difficiles moments pour une fin de vie qui n’en était plus une.
Sa galère (et celle de mon frère et de moi-même) s’est terminée ce 1er mai 2005.
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